Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie
psy cog pedagogique
Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie

Solastalgie et éco-anxiété : quand le dérèglement climatique nous rend malades


1 commentaire

En juillet 2023, la DREES (Direction de la Recherches, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques) publiait un rapport portant sur une étude menée en 2022 portant sur les préoccupations des Français. Selon cette étude, 84% des personnes interrogées se disent très préoccupées (35%) ou assez préoccupées (49%) par les problématiques liées à l'environnement. Parmi elles, près des deux tiers (65,5%) déclarent se sentir plus anxieux dans leur vie quotidienne du fait du dérèglement climatique.

Alors, le réchauffement climatique et ses effets peuvent-ils réellement provoquer un trouble anxieux ? Quel est leur impact sur notre santé psychologique ? Peut-on aller mieux dans un monde qui va mal ? 

Sommaire

La solastalgie ou le souvenir d'un monde perdu

  • Qu'est-ce que la solastalgie ? 
  • Un mal nécessaire ?
  • De l'émotion au trouble anxieux

L'éco-anxiété ou l'angoisse d'un futur incertain

  • L'éco-anxiété : formes et symptômes ?
  • Une angoisse salutaire ?
  • L'éco-anxiété peut-elle se soigner ?

L'impact psychologique de la crise écologique

La préoccupation pour l'environnement et l'avenir de la planète n'est pas nouvelle. Si on connaît les publications scientifiques sur le sujet (Rapport Meadows, rapports du GIEC), il existe aussi toute une bibliographie psychologique et philosophique sur le sujet qui permet, à l'heure actuelle, de poser des mots sur nos maux.

La solastalgie ou le souvenir d'un monde perdu

Le terme de solastalgie est défini, en 2007, par Glenn Albrecht, un philosophe australien. Les racines gréco-latines de ce néologisme nous éclairent sur sa signification : solacium en latin signifie le réconfort tandis que algos en grec ancien signifie douleur. Littéralement, la solastalgie est donc la douleur ressentie face à la perte de son environnement familier, habituellement source de réconfort. 

Qu'est-ce que la solastalgie ?

Qui, en voyage ou expatrié à l'étranger, n'a jamais ressenti le mal du pays ? Qui n'a jamais éprouvé, en rentrant chez soi, ce doux sentiment du retour à la maison ? Qui n'a jamais eu de vague à l'âme au souvenir d'une odeur liée à son enfance ?

Au même titre que toutes ces expériences, la solastalgie nous inspire une forme de mélancolie face à la perte de notre foyer au sens large. C'est le sentiment de désolation qui nous saisit face aux incendies en Australie en janvier 2020, c'est la souffrance que nous ressentons devant les images de déforestation en Amazonie, c'est aussi ce sentiment de deuil irrémédiable que nous éprouvons à la vue de l'ours blanc privé de sa banquise.

La solastalgie est liée à l'empathie que nous ressentons à l'égard de la Terre, à notre sentiment océanique. C'est une réponse émotionnelle aux changements qui nous affectent et qui affectent l'intégralité du vivant sur la planète. 

Le sentiment océanique

Le sentiment océanique, défini par Romain Rolland en 1927, est un sentiment d'unité et d'appartenance au monde dans son immensité. Il définit ce sentiment comme un état de conscience modifié qui survient, notamment, devant un paysage.

Un mal nécessaire ?

Une réponse émotionnelle à un évènement qui nous touche, comme le réchauffement climatique, n'est, par définition, ni bonne, ni mauvaise. Le simple fait de l'éprouver peut même être considéré comme une réponse saine et sensée face aux changements qui nous touchent. Dans le cas de la solastalgie, cette réaction émotionnelle est composée d'une myriade de sentiments qui fluctuent au gré des évènements auxquels nous sommes confrontés : l'angoisse, la colère, l'impuissance, la tristesse, la culpabilité, le découragement... 

Développer la conscience écologique de nos sociétés est indispensable pour espérer un sursaut collectif. Ce faisant, la solastalgie est amenée à se diffuser et à concerner un nombre croissant de personnes dans les décennies à venir. Cette empathie écologique peut s'avérer être un véritable levier de mobilisation à l'échelle planétaire, dès lors que les émotions qu'elle suscite ne deviennent pas pathologiques.

De l'émotion aux troubles anxieux

De fait, plus le degré de sensibilisation à la crise écologique chez un individu est élevé, plus le risque de souffrir d'une dépression ou d'un trouble anxieux sera élevé. 

Le statisticien canadien Paul Chefurka a ainsi défini une échelle de conscience sous la forme d'un modèle en cinq étapes : 

  • L'ère pré-solastalgique, dite du « sommeil profond », est celle de l'insouciance : l'individu ne se sent pas concerné par la crise écologique, 
  • Un évènement quelconque amène l'individu à prendre conscience de l'ampleur d'un problème environnemental isolé (réchauffement climatique, disparition de la biodiversité...) : le sentiment solastalgique se développe,
  • Progressivement, l’individu concerné s’aperçoit de la multiplicité des problèmes liés à cette crise. L'anxiété qui accompagne cette prise de conscience peut donner lieu à des réactions de déni ou de hiérarchisation des sujets afin d’avoir l’illusion de conserver le contrôle sur la situation, 
  • Cette hiérarchisation ne résiste pas, au fil du temps, aux liens intrinsèques qu'entretiennent les différentes causes environnementales. La personne concernée remet en question son mode de vie et recherche la compagnie d'autres individus qui partagent sa vision du monde,
  • L'individu prend conscience de l'impact global et généralisé de la crise écologique sur la société et de son impuissance à agir seul ou au sein de sa communauté. Ce deuil d'un monde passé mais également d'un présent en voie de disparition et d'un avenir qui ne sera pas est corrélé à un risque élevé de dépression.

La prise de conscience de la crise écologique et environnementale actuelle nous affecte et nous bouleverse. Ce deuil du monde tel que nous l'avons connu s'accompagne d'un sentiment perpétuel de nostalgie, aussi appelé solastalgie, qui peut donner lieu à des états anxieux ou dépressifs, aussi regroupés sous le terme d'« éco-anxiété ».

L'éco-anxiété ou l'angoisse d'un futur incertain

Le terme d'éco-anxiété est employé pour la première fois dans les années 1990 pour définir l'angoisse par anticipation d'un monde futur, difficilement vivable et soumis aux catastrophes écologiques et environnementales. 

L'éco-anxiété : formes et symptômes ?

Cette angoisse anticipative est qualifiée, en 2016,  par Lise VAN SUSTEREN,  une psychiatre américaine, de stress pré-traumatique : l’expérience traumatisante est imaginée, projetée dans un futur plus ou moins proche, et source d’angoisses, de TOC, de délires ou encore d’insomnies.

L'éco-anxiété  peut aussi entraîner des attaques de panique ou des épisodes dépressifs majeurs. Ce stress chronique est alimenté par les émissions d'actualité en continu ou encore les réseaux sociaux qui se font le relai des mauvaises nouvelles environnementales. 

L'éco-anxiété touche particulièrement les populations directement concernées par les catastrophes écologiques (populations insulaires ou ayant vécu des évènements traumatiques en lien avec le dérèglement climatique), les populations informées ou encore les jeunes (15-25 ans), dont 60% en France se disent « inquiets des conditions de vie extrêmement pénibles d'ici la fin du siècle ».

Une angoisse salutaire ?

Des chercheurs australiens ont tenté, en 2021, de faire la part des choses entre les différentes émotions liées au dérèglement climatique : dépression, anxiété, colère. Les résultats de cette étude montrent que si l'éco-dépression et l'éco-anxiété poussent au languissement et à l'inaction, l'éco-colère, pour sa part, encourage non seulement la prise d'initiative et l'action mais favorise également une meilleure santé mentale

L'inquiétude pour l'avenir de la planète, le sentiment d'urgence et l'impuissance face aux principaux responsables du dérèglement climatique (entreprises et pouvoirs publics) alimentent, notamment chez les jeunes, une colère qui favorise les actions individuelles et collectives : éco-gestes, consommation plus responsable, questionnement sur le fait de fonder une famille, manifestations, etc.

L'éco-anxiété peut-elle se soigner ?

La réalité du dérèglement climatique et de ses conséquences ne peut être remise en cause et en ce sens, l'anxiété qu'elle génère ne peut être réellement soignée. Pour les personnes concernées, il s'agit d'apprendre à vivre avec cette réalité tout en adaptant sa réponse émotionnelle afin de se sentir utile, responsable et d'avoir l'impression d'agir en adéquation avec ses convictions.

La souffrance engendrée par la dissonance cognitive liée à l'écart abyssal entre nos modes de vie actuels et les enjeux environnementaux peut être atténuée par une modification des comportements individuels et un engagement collectif fort.

Un accompagnement par un thérapeute sensibilisé à la question de l'éco-anxiété peut également aider à gérer les manifestations de cette angoisse au quotidien

Le dérèglement climatique suscite, chez nombre d'entre nous, des émotions fortes qui peuvent avoir un impact important sur le quotidien. Il paraît important, pour les personnes concernées, d'être accompagnées dans leur réponse émotionnelle afin d'y puiser les ressources pour mieux vivre la crise écologique.

Sources de l'article

ANAN A. et BARNETT B, « L'éco-anxiété, angoisse d'un monde menacé», Psycho&Cerveau, 2021/11 (n°138), p. 43-45,

Dr DESBIOLLES Alice, Faire de son éco-anxiété un moteur de changement, Poche Marabout, 2020, ISBN : 9782501176538

DREES, « Mesures environnementales : une plus grande acceptabilité au sein des catégories socialement favorisées et des ménages franciliens », Juillet 2023, n°1274

GAUVRIT Nicolas, « L'éco-colère, une émotion salutaire ? », Psycho&Cerveau, 2023/1 (n°150), p.76-78,

SAINT-JEAN Karine, Apprivoiser l'éco-anxiété, Les éditions de l'Homme, 2021, ISBN : 9782761955799

SCHMERBER Charline, « Eco-anxiété : l'homme malade de la planète », Psycho&Cerveau, 2020/1 (n°118), p. 58-65,

SINANIAN Alexandre, « La crise écologique comme miroir de nous-même. Des discours autour de l’éco-anxiété aux angoisses, dénis et pulsions destructrices », Le Journal des psychologues, 2023/2 (n° 403), p. 16-23


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1 Commentaires

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Envoyé !

Mélanie
11 AUGUST 2023 à 20:48

Très intéressant et instructif.
Merci pour ces informations
Dans l’attente de la prochaine
Bel été

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