Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie
 

Aurélie GOSSELIN, Accompagnement de l'enfant et de la famille

psy cog pedagogique
Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie

Chroniques d'une psychopédagogue - Octobre 2024


Bienvenue dans cet article, inédit et, je l'espère, le premier d'une longue série. 

Entre deux articles scientifiques ou thématiques, qui demandent des recherches, des lectures en amont et un travail conséquent, j'ai voulu donner, à ce site un nouveau visage en vous proposant une approche plus personnelle sous la forme de chroniques hebdomadaires pour vous partager une anecdote, une réflexion, un souvenir... bref, un peu de quotidien ! 

Bonne lecture ! 

« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. », Nicolas Boileau

Où il est question de raisonnement et de flexibilité...

04 octobre 2024

La semaine passée, j’ai proposé cet exercice à un élève :

«  Un fermier a des oies et des lapins. Il compte 10 têtes et 28 pattes. Combien y a-t-il d’oies et de lapins ? »

La première réaction de l’élève a été de me demander si on pouvait compter que les lapins s’étaient redressés sur leurs deux pattes arrières pour faciliter la résolution. J’ai eu beaucoup de mal à le faire changer d’avis et à le convaincre de prendre en compte les données du problème.

Cette réflexion et cette attitude sont intéressantes dans ce qu’elles trahissent de l’élève en question : il modifie la consigne et refuse de changer de point de vue, ce qui indique un certain manque de flexibilité cognitive mais, en proposant cette solution, il refuse également d’entrer le raisonnement qui est attendu. Par la suite, il propose à l’oral, de façon complètement désordonnée, des solutions et des réponses aléatoires sans tenir compte des contraintes : nombre de pattes, nombre de têtes…

Cette anecdote n’est qu’une parmi toutes celles que je pourrais raconter au sujet des difficultés de raisonnement des élèves que je reçois en séances mais également des élèves dans leur ensemble. Cet exercice peut être proposé à des élèves de CM1 car il ne mobilise que très peu de compétences mathématiques. Il fait, en revanche, appel à d’autres compétences :

  • prise en compte des contraintes (les oies ont deux pattes, les lapins en ont 4),
  • respect des consignes (il ne peut pas y avoir, par exemple, le même nombre d’oies et de lapins car cela ferait trop de pattes),
  • l’explicitation du raisonnement mené.

La difficulté du troisième point dans cet exercice tient dans le fait que les élèves doivent passer par la démarche essais-erreurs à laquelle ils sont, finalement, peu habitués. Cette méthode permet pourtant aux élèves de construire leurs apprentissages, de se confronter aux limites de leur raisonnement et de chercher d’autres voies de résolution.

Très souvent, et dès le CE1, les exercices proposés aux élèves s’ancrent dans la réalité et peuvent être classés par type : additif, soustractif, multiplicatif, partage. Les élèves travaillent sur le vocabulaire lié aux différents types problèmes : « Combien reste-t-il ? Combien en a-t-il de plus ? Combien en a-t-il de moins ? Etc… ». S’il est essentiel de travailler sur ce type d’exercices et de renforcer les automatismes, le goût de la recherche ne doit pas être mis de côté, ne serait-ce que pour renforcer la persévérance et le sentiment de compétence des élèves.

En ce sens, les problèmes semblables à celui proposé ci-dessus constituent une excellente façon de faire travailler la flexibilité cognitive et de permettre aux élèves de confronter leurs points de vue. Il peut être intéressant de proposer des travaux de groupes sur des exercices similaires en insistant sur l’explicitation et la schématisation de la démarche de résolution.

Un tel travail permet également de préparer la résolution de problèmes en plusieurs étapes qui, souvent, est également très problématique chez les élèves, indépendamment de leurs difficultés initiales et des troubles qu’ils peuvent rencontrer dans leurs apprentissages.

Et vous, avez-vous trouvé la solution ? Et surtout… sauriez-vous expliquer comment vous avez fait ?

11 octobre 2024

Je propose souvent aux enfants, à partir du CM1, des problèmes plus ou moins complexes avec des résolutions en plusieurs étapes, détaillées ou non.

Dans cet exercice, par exemple, l’élève doit trouver seul les étapes de résolution :

« J’ai 1kg de riz, je prépare des portions de 85g pour les adultes et de 55g pour les enfants. Sachant que j’ai déjà préparé 8 portions de chaque, combien puis-je en préparer encore ? »

Dans ce type de problèmes, il n’est pas rare de voir les élèves se précipiter dans le calcul, sans prendre le temps de réfléchir à leur démarche, de poser les choses et de noter les étapes. De manière générale, je dirais même que je n’ai jamais eu d’élève, en classe comme en séances, qui ait eu l’idée de construire explicitement un plan de résolution avant de se lancer dans un exercice. Même le tri des informations n’est pas forcément une évidence pour certains élèves qui ne se posent jamais la question des informations dont ils ont besoin et de leurs objectifs de recherche.

Je repense ainsi à cette élève qui devait répondre à l’énoncé suivant : « J’ai 64 roses rouges et 88 roses blanches. Je fais des bouquets de 8 roses, sans tenir compte des couleurs. Ces bouquets sont vendus 17€, combien vais-je gagner au total en vendant mes bouquets ? »

Nous avions déjà travaillé sur les différentes étapes et elle savait qu’elle devait calculer

  • Le nombre total de fleurs (152),
  • Le nombre de bouquets (19),
  • Le prix total récolté (323)

Rendue au bout du deuxième calcul et alors que les étapes étaient explicitement notées sur son support, elle m’a demandé : « mais à quoi ça sert ce que je viens de calculer ? » Cette remarque est pour moi une preuve, si besoin était, qu’il est absolument nécessaire de travailler avec les élèves sur l’explicitation de leurs raisonnements. La question de l’enseignement explicite est de plus en plus d’actualité : celui-ci repose sur la conception d’un apprentissage en trois étapes (exemple par l’enseignant, pratique guidée, pratique autonome) et est efficace quel que soit le niveau de l’élève. Toutefois, plus je travaille avec les enfants, et en particulier avec les enfants en difficulté, et plus je suis convaincue qu’une quatrième étape pourrait être ajoutée à cette méthode : l’enseignement par les pairs. C’est ce qui est fait, en quelque sorte, lorsqu’un élève va au tableau corriger un exercice et doit expliquer sa démarche mais le passage au tableau est trop souvent l’apanage des bons élèves qui se sentent suffisamment en confiance pour aller au tableau devant le reste de la classe. Qu’en est-il des élèves en difficulté ? De ceux qui n’arrivent pas encore à construire leur raisonnement ? Ou encore de ceux qui se dispersent et ne font pas le lien entre ce qu’ils calculent et ce qu’ils recherchent ?

A mon sens, demander aux élèves une rigueur dans la rédaction et la résolution de problèmes avec une trame semblable à celle proposée ci-dessus pour chaque étape : Je calcule … / Calcul / Le nombre de … constitue moins une difficulté supplémentaire qu’une habitude permettant aux élèves de gagner en sentiment de compétence et en confiance face à des problèmes aussi complexes soient-ils.

Par ailleurs, et enfin, trop souvent, à leur entrée en cycle 4 (5ème), les élèves se trouvent démunis face aux attendus en termes de démonstration, d’analyse ou de réponse argumentée car ils n’ont pas acquis auparavant les outils indispensables à la structuration de leur pensée.

18 octobre 2024

Lorsque les élèves arrivent en 5e, en mathématiques, est abordée la question de la démonstration. Sont ainsi proposés des exercices tels que : « Un quadrilatère a quatre côtés égaux. Que peut-on dire de ce quadrilatère ? » Ces exercices ont des attendus très spécifiques avec une rédaction rigoureuse du type hypothèse / propriété / conclusion inabordable pour certains élèves. Dans le meilleur des cas, l’élève fournira une réponse du type : « c’est un … car … » et pour les élèves en difficulté, c’est déjà très bien ! Mais certains seront tout simplement incapables de rentrer dans le raisonnement bien qu’ils connaissent leurs leçons : « c’est un ... parce que ça se voit ! »

La question de la démonstration en Mathématiques m’a toujours intéressée et c’était le sujet de mon mémoire lors de mes études en M1 et M2. Ayant fait mon M1 dans le premier degré, j’avais travaillé sur la représentation prototypique des formes géométriques, c’est-à-dire la représentation spontanée que nous avons des figures géométriques traditionnelles. Cessez de lire un instant et représentez-vous un triangle ou un rectangle…

Ce triangle était-il équilatéral (3 côtés égaux) et reposait-il sur l’un de ses côtés ? Votre triangle était-il positionné « à l’horizontale », reposant sur l’un de ses 2 côtés les plus grands ? Sans doute ! Ces représentations sont celles que nous formons au fil de nos apprentissages et qui ensuite, influencent notre perception du plan et de l’espace.

En passant dans le second degré, en M2, j’ai poursuivi mon mémoire en l’orientant vers la question de la démonstration et de l’influence que nos représentations prototypiques ont sur la construction du raisonnement. Chez des élèves qui parviennent à créer des liens logiques entre les éléments d’un problème et les propriétés du cours, qui sont capables de faire preuve d’abstraction, l’analyse prend le pas sur les représentations innées et permettent à l’élève de comprendre et d’entrer dans la logique de la démonstration mathématique. Pour d’autres, ces représentations restent trop prégnantes : malgré des représentations à main levée, approximatives le plus souvent, ils projettent leurs représentations prototypiques sur les figures proposées et ne tiennent pas compte des informations données par l’énoncé ou par un codage géométrique.

Pour ces élèves-là, l’entrée dans la démonstration en géométrie est une épreuve : jusqu’ici, si la résolution de problèmes pouvait être difficile, la géométrie était souvent leur point fort. En 5e, les difficultés de raisonnement en calcul s’étendent à la géométrie et les élèves sont déstabilisés.

Là encore, l’explicitation me semble être la clé. Le travail d’analyse « ce que je sais / ce que je cherche » a toute sa place et une attention toute particulière doit être portée à la distinction entre l’hypothèse et la conclusion, les deux étant souvent confondues par les élèves. Ce travail d’analyse doit, à mon sens, être mené le plus tôt possible pour permettre, ensuite, en 4e et en 3e une approche plus fluide et sereine des théorèmes de géométrie.

Et vous, savez-vous ce qu’est un quadrilatère ayant 4 côtés égaux ? Et sauriez-vous rédiger votre réponse ?

26 octobre 2024

L’an dernier, je travaillais avec un élève en classe de 3e sur le raisonnement au sens large et la construction de ce qui est aujourd’hui appelé « développement construit ». Pendant de nombreuses semaines, nous avons travaillé sur des sujets donnés au Brevet pour essayer de lui apprendre à construire un paragraphe étayé et, comme son nom l’indique, construit. Après plusieurs séances, cet élève ne parvenait toujours pas à poser une problématique, à proposer un exemple pour chaque argument ou encore à regrouper ses idées par thématiques pour en faire des paragraphes.

Cet exemple me tenait à cœur car il permet de s’éloigner de l’enseignement des Mathématiques, qui est quand même mon sujet de prédilection, pour montrer que la question du raisonnement s’applique à toutes les disciplines et ne se limite pas à la résolution de problèmes. L’accompagnement en psychopédagogie, tel que je le conçois, repose en grande partie sur ce travail lié au raisonnement, à sa construction et à sa mise en mots.

Sur ce plan, les apports sont bien sûr méthodologiques mais souvent, la méthodologie est traitée, abordée et travaillée en classe. Les élèves qui ne s’en saisissent pas sont souvent ceux, je le vois en séances, qui n’en ont pas envie. Pour ceux, en revanche, qui se montrent impliqués, soucieux de bien faire et qui pour autant, ne voient pas de progrès, je crois qu’une autre approche, complémentaire, est indispensable pour leur apprendre à faire le tri dans leurs idées, à construire des liens logiques entre elles, à répondre à une problématique, à synthétiser leurs réponses.

Les enfants et adolescents qui présentent un trouble de l’attention sont, dans ce que j’observe au quotidien, plus susceptibles de présenter des difficultés de raisonnement et rédaction : leur impulsivité, les difficultés d’inhibition et les difficultés d’auto-régulation des fonctions exécutives sont autant de facteurs qui jouent un rôle lorsque l’on demande aux élèves d’expliciter leurs réponses ou leurs stratégies de résolutions. Ces élèves sont souvent capables de trouver intuitivement (ou au hasard ?) la réponse à un problème mathématique, par exemple, mais il leur est plus difficile, voire pour certains impossible, de se poser suffisamment pour rédiger une réponse correcte, voire écrire un simple calcul. Ces difficultés d’explicitation sont souvent liées à des difficultés de planification et d’auto-régulation. Ces enfants ont souvent les clés pour résoudre les problèmes ou pour répondre à des problématiques données mais n’ont pas toujours le filtre qui leur permet de trouver la bonne clé au milieu des autres ou pour certains, la bonne aiguille au milieu de la botte de foin.

J’aime cette partie de mon travail qui consiste à les aider à faire le tri, à créer des liens, à organiser leurs pensées. Quand les élèves sont assidus et attentifs, les progrès peuvent être spectaculaires. Je pense notamment à un élève que j’accompagnais déjà l’an dernier et avec lequel nous avons beaucoup travaillé sur la méthode de la dissertation et du commentaire : à la fin de l’année, son travail d’analyse, ses arguments et sa rédaction s’étaient affinés mais nous avons passé un temps considérable à construire des plans, à en comparer d’autres, à peser le pour et le contre entre plusieurs possibilités, et à défendre des points de vue opposés dans l’objectif de lui permettre d’affirmer son point de vue et de prendre du recul vis-à-vis de son propre travail.

Pour avoir été enseignante, je sais qu’il est quasiment impossible de trouver le temps de faire ce travail avec les élèves qui est pourtant, j’en suis convaincue, indispensable pour les élèves en difficultés à tout âge. Avoir l’opportunité de le faire en séance avec eux est une source sans cesse renouvelée de découvertes et d’apprentissages pour moi.

Merci pour votre lecture, on se retrouve en novembre pour de nouvelles chroniques !


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