Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie
psy cog pedagogique
Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie

Chroniques d'une psychopédagogue - Avril 2025


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Après une chronique plus personnelle au mois de mars, je suis heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour échanger avec vous sur un sujet qui me tient à coeur et qui fait désormais partie intégrante de mon travail. 

N'hésitez pas à venir partager votre point de vue dans les commentaires, je serais ravie d'échanger avec vous sur un sujet aussi clivant que celui de l'accompagnement à distance !

Bonne lecture. 

« Ce n'est pas parce que j'ai changé d'avis que je n'ai plus raison. », Ashleigh Brilliant

Visio ou pas visio ?

Revenons plusieurs mois, voire plusieurs années en arrière. 

En 2020, le premier confinement vient bouleverser nos habitudes. A ce moment-là, je suis enseignante en collège et très vite, je suis sûre de moi : il n'est pas question de faire des visios. J'essaie d'accompagner mes élèves autrement, je mets en place des livrets et des supports coûteux en temps, je suis disponible par mail ou par message mais, pendant plusieurs semaines, je ne vois aucun de mes élèves et n'ai avec eux aucun contact "réel".

Aujourd'hui, les suivis en visio représentent la moitié de mon activité. 

Alors... visio ou pas visio ?

Quand j'étais contre...

En mars 2020, j'étais donc résolument contre la visio. Je sais que de nombreux enseignants ont opté pour cette solution. Dans mon établissement, certains élèves avaient plusieurs heures de visio par jour. Pas autant que pour une vraie journée de cours, heureusement, mais ils avaient, quand même, plusieurs heures de visio par jour. 

Alors, quels étaient mes arguments, à ce moment-là pour refuser ce dispositif ?

Avant toute chose, il y avait le côté pratique et organisationnel. Le confinement a pris tout le monde par surprise. Les parents se sont retrouvés en télétravail avec, pour la plupart d'entre eux, de nouvelles modalités de travail qu'ils n'avaient pas anticipées, avec lesquelles ils n'étaient pas forcément à l'aise. Pour certaines familles, avec un seul ordinateur, gérer le télétravail et les visios des enfants étaient tout bonnement impossible. Mon objectif n'était pas d'ajouter de la complexité à la complexité. 

Par ailleurs, très rapidement (au bout de quinze jours), les élèves se sont sentis submergés par le travail donné par les enseignants. Le curseur était difficile à ajuster : les professeurs voulaient poursuivre leur programme et leurs cours comme si de rien n'était, comme si nos élèves étaient capables de gérer seuls une telle charge de travail et de s'organiser en conséquence. On parle quand même d'élèves qui, pour une partie d'entre eux, oublient de sortir leurs cahiers et leurs trousses quand ils arrivent en classe... Proposer des heures de visio pouvait permettre de cadrer la charge de travail. Mais cette solution pouvait aussi venir alourdir une organisation déjà difficile, une organisation (ou une désorganisation ?) propre à chaque famille et dont nous n'avions souvent pas conscience en temps qu'enseignant.

Enfin, j'avais eu des retours de certains collègues. Les élèves ne pouvaient pas tous mettre leur caméra, sans quoi le flux était amoindri. L'enseignant était le seul à pouvoir s'afficher à l'écran sans moyen de contrôler l'usage que les élèves faisaient de l'ordinateur et de cette exposition un peu contrainte. La régulation du son, des interventions orales et du brouhaha en arrière-plan chez certains enfants était ingérable. 

Autant de bonnes raisons d'être contre, à mon sens. Je ne regrette pas d'avoir fait ce choix et d'avoir laissé, à mes élèves, la possibilité de vivre autre chose pendant ces quelques mois hors du temps et hors de toute réalité. 

Quand je n'ai pas eu le choix...

Lorsque j'ai débuté mon activité de psychopédagogue, deux ans après le confinement, j'ai conservé cette position. J'étais toujours résolument contre et désireuse de ne faire que des suivis en présentiel. J'ai maintenu cette position tant que j'ai pu. 

Cependant, en 2024, l'opportunité s'est présentée de déménager en Bretagne et de quitter la région parisienne. La question s'est rapidement posée : abandonner tous les suivis mis en place et recommencer de zéro ? Accepter de mettre en place la visio et de poursuivre les accompagnements sous d'autres modalités ? Je dois reconnaître que je n'ai pas hésité longtemps et que les "contre" n'ont pas pesé très lourd dans la balance. C'est d'autant plus vrai qu'une grosse majorité des parents qui désiraient poursuivre les suivis ont tout de suite accepté la proposition de passer en visio. 

Parmi les quelques rares (moins de 5, je dirais) qui ont choisi d'arrêter, les réticences étaient souvent les mêmes : enfants trop petits, difficultés d'attention trop importantes... Souvent, j'ai retrouvé un motif de refus qui a fait écho à mon passé d'enseignante : certains parents refusaient tout simplement d'essayer, partant du principe que cette solution serait, de toutes façons, un échec. Je regrette bien sûr cette position mais je la comprends. Le virtuel est souvent vu comme une solution de secours, froide, sans affect, et qui ne permet pas la même relation que le présentiel. Et il est, honnêtement, difficile de dire le contraire.  

Pour autant, si certains suivis ont effectivement pris fin après un essai avec la visio, une majorité d'entre eux sont toujours en cours, avec beaucoup de succès et avec, parfois, des changements positifs, inattendus mais sources d'évolutions positives pour les enfants. 

Aujourd'hui, je ne regrette pas d'avoir proposé cette solution aux familles. Si je devais regretter quelque chose, il s'agirait plutôt de ne pas avoir changé d'avis en 2020. Comme je l'écrivais au-dessus, je ne crois pas que mes relations avec les élèves aient eu à souffrir de cette absence de visio. Mais des séances virtuelles avaient été réclamé par certains élèves. Peut-être qu'en petits groupes ou en individuel, cette solution aurait permis à certains enfants et adolescents de s'accrocher ou d'avoir un espace pour décharger tout ce qu'il y avait de pesant à ce moment-là. 

Les atouts de la visio

La visio s'impose parfois, en particulier lorsque la situation géographique ne nous permet pas de nous voir en présentiel. La plupart des enfants que je suis aujourd'hui à distance sont des enfants que j'ai déjà suivis en présentiel, avec lesquels je peux voir l'évolution et les apports de la visio dans nos séances. 

Tout d'abord, l'utilisation de l'ordinateur les amène à davantage d'autonomie et de responsabilités. Je ne compte plus le nombre d'enfants et d'adolescents qui se sont déconnectés par erreur mais qui ont aussi appris à revenir seuls sur l'appel. Je ne compte pas, non plus, tous ceux qui ont appris à taper au clavier, qui ont appris à taper un point, une virgule, un accent ou à déverrouiller un pavé numérique.

Par ailleurs, j'ai souvent recours aux jeux pendant les séances. Souvent, en présentiel, le temps consacré à cette étape déborde et est difficile à cadrer. En visio, c'est différent. Il est, déjà, très difficile de trouver des jeux pour lesquels nous pouvons jouer l'un contre l'autre. L'enfant ou l'adolescent se confronte à l'ordinateur ou à lui-même, essaie de battre son propre score. Il est plus facile de lui dire : "On passe à autre chose, tu pourras poursuivre après". Et il est encore plus facile d'obtenir qu'il le fasse ! 

Avec certains adolescents ou enfants, la visio a réellement permis de poser un cadre. Certains d'entre eux se projettent davantage, construisent même un plan de séance en amont, définissent leurs propres objectifs. Ils s'investissent davantage, ou, en tous cas, le font autrement. Les séances avec ces enfants ont pris un tournant plus sérieux et rigoureux et, souvent, ils parviennent à le transposer dans la réalité et leurs apprentissages. 

Enfin, les séances menées en présentiel peuvent se faire, sans difficulté, par visio. Qu'il s'agisse d'un travail sur la compréhension de textes, le raisonnement logique, les fonctions cognitives, d'une approche méthodologique ou d'une problématique émotionnelle, le virtuel a les mêmes atouts que le présentiel. La relation n'est pas moins réelle ni plus distante. En réalité, les seules problématiques que j'ai rencontrées dans les relations aux enfants viennent, malgré leur bonne volonté, des parents eux-mêmes...

Poser le cadre

Si le cadre est presque plus simple à poser avec les enfants en visio, il l'est souvent moins avec les parents. La proximité de l'enfant, le fait que l'ordinateur se trouve parfois dans une pièce à vivre ou que les parents fassent le choix de le placer dans une pièce de passage comme la cuisine ou la salle à manger peut réellement avoir un impact sur le suivi et c'est probablement ce que je trouve de plus contrariant aujourd'hui dans la visio. 

J'ai trois cas très concrets en tête : 

  • Les séances avec une petite fille de 10 ans devenaient difficiles. Placée dans la salle à manger, avec sa mère en télétravail en bruit de fond permanent, elle ne parvenait pas échapper au regard de ses parents qui étaient toujours derrière elle. Les commentaires et remarques fusaient involontairement. La petite fille se renfermait, nos séances devenaient inutiles. Les parents ont entendu ma demande. Cette petite fille réalise désormais ses séances seule, dans une pièce dédiée et nous avons pu reprendre des séances plus satisfaisantes pour elle comme pour moi, 
  • Un petit garçon de 7 ans pour lequel nous avions convenu que je gardais exclusivement la main en visio avait fait de gros progrès en présentiel, lorsque nous étions dans une relation duelle. Avec les visios, les parents n'ont pas réussi à prendre la distance nécessaire. Ils restaient à côté pendant les séances, ne quittaient pas l'ordinateur et venaient ajouter, sans le vouloir évidemment, une pression supplémentaire. Lorsque je leur ai demandé de prendre du recul, ils sont passés dans la pièce d'à-côté tout en gardant la porte ouverte. Le résultat était donc le même. Nous avons mis aux séances, à regret de mon côté,
  • Une jeune fille de 11 ans rencontrait des difficultés importantes dans l'expression de ses émotions, notamment à l'égard de ses parents et de sa petite soeur. Les séances se déroulaient bien en présentiel : après une courte introduction avec les parents, nous passions à un temps où cette petite fille était seule avec moi. Avec la visio, cet espace d'expression s'est réduit comme peau de chagrin. Les deux tiers de la séance était consacrée aux plaintes des parents et servait surtout à abreuver la petite fille de reproches et de leçons qui auraient dû être faits en dehors de la séance. Nous avons, là aussi, mis fin aux séances car il n'a pas été possible de recadrer le temps dédié à cette petite fille. 

Aujourd'hui, pour moi, la problématique de la visio tient dans le fait que ces séances doivent être considérées comme un suivi à part entière. Le cadre et l'espace d'expression individuelle sont essentiels pour que les séances portent leurs fruits. 

Et vous ?

Et vous, un suivi en visio vous semble-t-il envisageable ? Je sais que beaucoup ont des résistances à cet égard, quelles seraient les vôtres ? Cet article vous a-t-il convaincu ?

Merci pour votre lecture et vos retours, 

On se retrouve le mois prochain.

A bientôt ! 


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